Discours lors de la conférence publique SOFMER sport et handicap - de la pratique à la performance
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Seul le prononcé fait foi
Madame la présidente du Comité Paralympique et Sportif Français,
Chère Emmanuelle ASSMAN,
Monsieur le professeur Genet et l’ensemble des organisateurs de cette manifestation,
Mesdames et messieurs,
Je suis très heureuse, et honorée d’ouvrir cette conférence sur le sport et handicap, organisée dans le cadre du 12ème congrès de la société internationale de médecine physique et de réadaptation. Je salue la présence de très grands champions – Mickaël Jérémiaz, Marie Bochet, Tanguy de la Foreste, Gaël Rivière – qui vont partager dans quelques instants avec nous leur expérience si inspirante de sportifs de haut niveau. J’ai eu la chance d’assister à certaines compétitions que vous avez disputé, j’en garde un souvenir très fort, et veux-vous en remercier.
Un souvenir plein d’admiration, et je dirais même de joie, devant vos magnifiques performances sportives, chère Marie Bochet, aux JOP de Séoul, et de reconnaissance de m’avoir tant fait vibrer en suivant vos courses.
Un souvenir empreint aussi d’une forme d’ébahissement, je ne veux pas le cacher, sur l’écho médiatique tout de même ténu de votre performance hors normes et ce qu’il dit de notre regard sur le handicap. Que les médias ne se ruent pas sur une octuple championne olympique, quand on voit leur puissance à relayer des performances sportives - tout de même nettement plus limitées - de messieurs tout à fait valides mais chaussés de crampons, voilà qui ne manque pas d’interpeller la militante de la cause des personnes handicapées que je reste. Et qui m’incite encore et encore à agir : il y a du chemin à faire !
Je vous remercie d’ores et déjà très vivement, madame et messieurs les champions, d’éclairer ce chemin et de m’aider, par vos exploits, à manifester que handicap peut rimer avec performance, physique et sportive. Oui, bien plus que des « incapacités » ou des « restrictions » auxquelles on ramène encore trop souvent les personnes handicapées, ce qui vous définit c’est vos performances, c’est votre dépassement, c’est votre capacité à croire en vous et nous faire croire en vous. Merci de rendre possible ce auquel vous croyez.
C’est face à vous, cher sportifs, c’est avec vous mesdames et messieurs les professionnels qui accompagnez les personnes handicapées dans la conquête ou la reconquête de leur corps au travers l’accès à la pratique sportive, que je tenais à exprimer trois convictions profondes sur les enjeux tous particuliers de l’accès au sport pour les personnes en situation de handicap.
Je le fais avec beaucoup d’humilité devant Madame Isabelle Queval, vous qui allez intervenir dans quelques minutes pour partager votre pensée subtile et passionnante sur une éthique du sport et ce qu’il dit de notre rapport au corps dans notre société contemporaine.
Je ne me risquerai certes pas à situer ces convictions entre « grandeur homérique » ou « juste mesure aristotélicienne », je veux simplement rappeler trois évidences qui font de l’accès au sport et la santé une dimension si importance du projet de société inclusive et émancipatrice des personnes que je porte en matière de handicap.
1ère conviction
Celle que se joue dans le sport un rapport au corps infiniment précieux pour les personnes en situation de handicap, infiniment libérateur, infiniment émancipateur.
Entretenir son corps, le mobiliser à des fins physiques et sportives est essentiel pour une personne handicapée, dont le corps est sans doute encore moins que pour le commun ce corps idéalisé que nous renvoi l’ensemble des médias !
A travers le sport, à travers la mobilisation de mon corps dans l’acte sportif, je peux optimiser mes capacités. Je peux croire en mes capacités. Je peux croire en mon corps, et donc croire en moi.
Alors que tant de personnes handicapées souffrent d’une mauvaise image d’elle-même, travailler à cette conviction-là est une opportunité extraordinaire pour conforter l’autonomie des personnes. Et concourir à leur autonomie, si petite soit-elle. Pour cela, mesdames et messieurs qui accompagnez les personnes au quotidien dans cette reconquête, je veux vous remercier.
2ème conviction
Celle que sport et santé sont indissociablement liés, et que la pratique sportive des personnes handicapées doit concourir bien sûr à l’amélioration de leur santé, qui en a bien besoin !
La littérature est abondante, bien sûr, sur le rapport entre la santé et le sport, et le lien entre sport et prévention – même si Mme Queval ne manquera pas de souligner certaines de nos ambivalences nichées dans la culture de la performance !
Sans doute, la question de la santé des personnes handicapées reste encore insatisfaisante – je ne peux manquer de le rappeler devant Philippe DENORMANDIE que j’ai missionné, avec Agnès BUZYN, pour avancer sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap.
Mais j’ai pleinement la conviction que tous les efforts conduits en lien avec Laura Flessel et Jean-Michel Blanquer en matière d’accès au sport des jeunes et des moins jeunes en situation de handicap, servent dans le même temps à l’amélioration de la santé.
Et je me réjouis que l’enquête récemment conduite par la DGCS auprès des établissements et services médico-sociaux qui accompagnent les personnes en situation de handicap témoigne de réels progrès en matière d’activités physiques et sportives. 83 % des structures enquêtées témoignent de les favoriser, et permettre notamment à ¾ des enfants qu’elles accompagnent d’exercer une telle activité, de manière régulière. C’est une excellente base !
3ème conviction
Celle que la perspective des JOP 2024 doit nous permettre de nous engager collectivement davantage dans la mobilisation autour de la pratique sportive, vecteur de santé globale, c’est –à-dire de « complet bien-être » au sens de l’organisation mondiale de la santé.
En pratiquant le sport, je vais bien au-delà de ma pratique individuelle. Je me socialise, dans un club, une association. Je me fais plaisir. Je me fais du bien, autant au mental qu’au physique. Je vais mieux.
C’est cet état de santé global qui doit nous inviter aussi à saisir pleinement la chance d’accueillir en 2024 les JOP sur notre sol pour encourager une génération de champions, et travailler autant sur le haut niveau que le sport pour tous, de manière universelle.
La France a la chance de disposer de deux grandes fédérations que sont la Fédération Française Handisport et la Fédération Française de Sport Adapté ; elles font un travail formidable de détection et d’animation du haut-niveau sur le terrain.
J’ai eu l’occasion de saluer ce travail en participant aux journée des JAP (Jeunes à potentiel) organisés par la FF Handisport qui permettent chaque année d’avoir une bonne perspective sur les futurs talents qui feront briller la France lors des compétitions internationales.
Je veux également souhaiter bonne chance d’ores et déjà à nos athlètes tricolores et à la FFSA qui vont accueillir à Paris dès samedi plus de 1000 sportifs et une vingtaine de nations pour les jeux européens d’été de sport adapté.
Le travail engagé dès aujourd’hui est essentiel pour faire grandir notre future génération de champions, qui vont concourir à leur tour à nourrir notre changement de regard sur le handicap. Voilà ce à quoi j’aspire pour notre société, en espérant que les médias se feront ainsi l’écho de cet événement formidable auquel j’assisterai ce week-end malgré d’autres compétitions importantes du moment.
Mais parce que je ne veux pas opposer les sportifs, c’est en empruntant les mots d’un célèbre sélectionneur, Aimé Jacquet, que je veux conclure.
« Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. »
J’emprunte cette citation à un double titre. D’une part, bien sûr, parce que nous sommes à moins de deux heures d’un match capital pour l’équipe de France de football. Mais aussi parce qu’elle résume ce qui fait l’alliance profonde du sport et handicap, qui est au moins autant une quête de sens qu’une recherche de victoires.
Oui, c’est bien cette quête de sens qui nous réunit ce soir et qui donne à l’ensemble de nos pratiques et de vos performances une coloration si profonde.
Je vous remercie à nouveau de m’avoir permis de vous saluer et vous souhaite des travaux très fructueux.