La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, 20 ans après

Publié le | Temps de lecture : 9 minutes

La loi du 11 février 2005  pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap introduit, pour la première fois, dans le Code de l’action sociale et des familles, une définition du handicap inspirée de la classification internationale du handicap.

À l’occasion de l’anniversaire des 20 ans de cette loi, retour sur les évolutions pour chacun des quatre domaines prioritaires : l'accessibilité, le droit à compensation, l'école pour tous et l'insertion professionnelle.

La loi dite « loi handicap », adoptée sous la présidence de Monsieur Jacques Chirac, refonde en profondeur la politique du handicap en France. Elle prend désormais en compte les quatre familles de handicap : moteur, sensoriel, cognitif, psychique et concerne également les personnes à mobilité réduite, y compris de manière temporaire.

Elle pose le principe selon lequel « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus de tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté ».

Pour y parvenir, la politique du handicap met l’accent sur quatre grandes thématiques : les droits à compensation du handicap, l’obligation d’accessibilité, l’école pour tous et l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Le droit à compensation du handicap 

Afin de faciliter les démarches et la prise en charge des personnes en situation de handicap, la loi de 2005 crée les maisons départementales pour les personnes en situation de handicap (MDPH). Pensées comme des guichets uniques, elles sont chargées d’accueillir, d’informer, d’orienter et d’accompagner les personnes en situation de handicap. Au sein de chaque MDPH, une équipe pluridisciplinaire évalue les besoins de compensation de la personne en situation de handicap, sur la base de son projet de vie et prend les décisions relatives à l'ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d'attribution de prestations, droits ou d’orientation scolaire. De nouvelles compensations et ressources voient le jour 

  • La mise en œuvre du principe de droit à compensation est formalisée dans un plan personnalisé de compensation (PPC) élaboré par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH. En fonction des besoins de la personne en situation de handicap, il contient les propositions permettant à la personne d’accéder à toutes les aides qui faciliteront la vie en milieu ordinaire ou adaptée. Le projet de vie de la personne et ses besoins sont identifiés lors de l’évaluation individualisée menée par la MDPH.
  • La prestation de compensation du handicap (PCH) permet de couvrir les surcoûts induits par le handicap, en complément des aides de la sécurité sociale : elle peut notamment financer de l’aide humaine, des aides techniques, l’aménagement du logement et du véhicule, les surcoûts liés au transport et de l’aide animalière.
  • L’allocation d’éducation spéciale a disparu au profit de l’allocation éducation de l’enfant handicapé (AEEH).
  • Les cotisations patronales pour les charges humaines sont exonérées.
  • La rémunération des travailleurs en situation de handicap en milieu protégé (entreprises adaptées et établissements et services d’aide par le travail) a été réformé.

La PCH a fait l’objet ces dernières années de plusieurs avancées significatives qui ont permis d’élargir le champ de la prestation et de mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap :

  • la mise en place d’aides à la parentalité (2021), sous la forme de forfaits d’aide humaine et d’aides techniques ;
  • l’extension de la prestation aux besoins liés à la préparation des repas et à la vaisselle (2021) ;
  • la suppression de la limite d’âge de 75 ans applicable à la demande de PCH (2021) ;
  • la mise en place de la PCH sans limitation de durée lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évolution favorable (2022) ;
  • le renforcement de l’accessibilité de la prestation aux personnes atteintes de troubles mentaux, psychiques, cognitifs ou du neurodéveloppement (2023) ;
  • la forte revalorisation des tarifs applicables en cas de recours à une aide à domicile employée directement, portés de 130 % à 150 % du salaire brut d’un assistant de vie, dans l’objectif de mieux couvrir les dépenses à la charge du particulier employeur (2022 et 2024).

En outre, l’AAH a connu plusieurs réformes. Elle a d’abord été revalorisée de 25 % entre 2008 et 2012 puis simplifiée en 2019 avec la suppression du complément de ressources. En 2023, la déconjugalisation de l’AAH autonomise la personne en situation de handicap en ne prenant plus en compte les ressources du conjoint dans le calcul de l’allocation.

En janvier 2023, les forfaits surdi-cécité sont mis en place et la PCH s’élargit aux personnes vivant avec des troubles du neurodéveloppement ou une altération des fonctions mentales, psychiques ou cognitives. 

En 2022, plus de 1,2 million de personnes bénéficient de l’AAH, 435 000 de l’AEEH et 410 000 de la PCH.

L’obligation d’accessibilité 

La loi prévoit une obligation d’adaptation des conditions d’accès des personnes en situation de handicap à leur environnement. L’obligation d’accessibilité s’impose donc à l’ensemble de la chaîne des déplacements et aux différentes constituantes de la vie collective :

  • le cadre bâti : établissements recevant du public (ERP) neufs et existants, locaux professionnels, logements à l’exception de ceux réalisés par les propriétaires pour leur propre usage. Les ERP peuvent notamment bénéficier du fonds territorial d’accessibilité qui finance jusqu’à 50 % de leurs dépenses de travaux et d’équipements de mise en conformité ;
  • les transports publics (bus, métro, tramway, train, avion, bateau) ont l’obligation de fournir un schéma directeur d’accessibilité 
  • la voirie et l’espace public (jardins, parkings, trottoirs, mobilier urbain…) ;
  • les moyens de communication publique en ligne (internet, téléphone, TV…) : des sanctions peuvent être prises à l’encontre des sites publics non accessibles ;
  • l’exercice de la citoyenneté (accès au processus électoral) ;
  • les services publics (appels d’urgences, accès au droit…).

Depuis 2015, le dispositif des agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) a imposé une mise en conformité à tous les ERP qui ne respectaient pas les règles d’accessibilité. Concrètement, ils correspondent à un engagement pour le financement et la réalisation des travaux d’adaptation des établissements dans un délai déterminé. Parmi les 2 millions d’ERP sur le territoire français, 700 000 ont intégré le dispositif des Ad’AP, dont 350 000 ont été déclarés accessibles

Concernant les transports, 97 gares nationales (soit 60 % des gares prévues dans le schéma directeur national d’accessibilité) et 237 gares régionales ont rempli leurs objectifs d’accessibilité. Concernant plus précisément le transport routier, 62 % des 33 011 arrêts prioritaires interurbains sont accessibles. 

L’école pour tous

La loi de 2005 garantit à chaque enfant en situation de handicap le droit d’être scolarisé dans une école ordinaire, proche de son domicile. Ce droit est renforcé par la loi de juillet 2013 sur la refondation de l'école de la République, ainsi que par la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019, qui introduit le concept d'école inclusive dans le Code de l'éducation.

La loi introduit 

  • le droit d’être inscrit en milieu ordinaire et de bénéficier d’un projet personnalisé et d’une équipe de professionnels pour assurer le suivi de la scolarité ;
  • la possibilité d’aménagements et d’adaptations dans l’enseignement supérieur pour faciliter les études, avec notamment la possibilité d’avoir l’aide d’un assistant d’éducation ;
  • une formation sur le handicap dans les programmes d’éducation civique ;
  • des cours sur le handicap dans les cursus pour enseignants.

La Conférence nationale du handicap (CNH) de 2023 poursuit l’ambition de la loi de 2005 par l’introduction de nouvelles mesures comme l’amélioration du statut d’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), la transformation des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL) en pôle d’accompagnement scolaire (PAS), l’attribution d’un numéro « identifiant national élève » INE pour tous, ou encore la mise en place d’une formation sur l’accessibilité pédagogique pour les enseignants.

Environ 520 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés en octobre 2024, contre 130 000 en 2005. Le nombre des AESH a également augmenté de 90 % depuis 2013, pour atteindre 140 000 en 2024. Plusieurs dispositifs de scolarisation adaptés ont été déployés sur le territoire : 11 000 unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et 589 dispositifs pour les troubles du neurodéveloppement (trouble du spectre de l’autisme, troubles dys, trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, trouble du développement intellectuel). Les universités ont multiplié par 9 le nombre de leurs étudiants en situation de handicap en passant de 7 500 en 2005 à 64 500 à la rentrée 2024.

L’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap

La loi de 2005 a instauré plusieurs mesures en faveur de l'inclusion des personnes en situation de handicap, notamment dans le domaine de l'emploi. Elle ancre l’obligation d’emploi des travailleurs en situation de handicap, précédemment abordée dans la loi de 1987, et l’étend à la fonction publique. Cette disposition vise à favoriser l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap par la mise en place de quota dans les entreprises de 20 salariés et plus à hauteur de 6 % des effectifs totaux.

L'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) joue un rôle clé dans l’accompagnement des travailleurs handicapés en entreprise. Grâce à un système de conventionnement, l’Agefiph peut accorder des aides financières et subventions pour soutenir les entreprises dans leurs projets d’aménagement adaptés aux besoins des salariés, de recrutement ou de formations professionnelles.

Le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) est créé en 2005 et assure des fonctions analogues à l’Agefiph pour les personnes en situation de handicap dans la fonction publique (État, territoriale et hospitalière).

La loi instaure également 

  • le principe de retour dans l'entreprise en cas d'inaptitude en donnant la possibilité, pour un salarié qui a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, de reprendre son emploi ou un autre poste adapté au sein de la même entreprise, sous certaines conditions ;
  • l’incitation à la négociation en faveur de l’insertion professionnelles des personnes en situation de handicap ;
  • un dispositif d’aide financières destinées à faciliter l'insertion professionnelle des travailleurs en situation de handicap accordé par les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

L'insertion et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap est renforcé par les mesures de la Conférence nationale du handicap (CNH) de 2023 : développement de l’emploi accompagné, meilleure communication de la délivrance de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) entre les MDPH et France Travail, portabilité des équipements, etc.

Le taux d’activité des personnes en situation de handicap (45 %) reste faible par rapport à celui de la population générale, malgré une baisse de six points du taux de chômage pour cette population (12 % en 2023 contre 18 % en 2017). En outre, 55 % des entreprises d’au moins 20 salariés ne respectent pas l’obligation d’emploi des travailleurs en situation de handicap.

Le territoire français compte désormais 1 500 établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) où environ 120 000 personnes en situation de handicap exercent une activité professionnelle. Sont également recensées environ 9 100 personnes bénéficiant de l’emploi accompagné et 800 entreprises adaptées.

La loi de 2005 en faveur de l’égalité des droits et des chances représente un véritable tournant dans les politiques du handicap en France. Les jalons qu’elle a posés doivent être poursuivis et les efforts maintenus, il reste beaucoup à faire pour rendre la société plus inclusive.

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